Retrait de Titre Foncier irrégulier: Cour Suprême Cameroun 28/09/2000

Publié le par letanton

COUR SUPREME DU CAMEROUN - CHAMBRE ADMINISTRATIVE - N° 74/99-2000 DU 28 SEPTEMBRE 2000

 

AFFAIRE : SUCCESSION NDEFFO MBEWOU C/ ETAT DU CAMEROUN (MINUH)

 

RETRAIT DE TITRE FONCIER IRREGULIER.

 

1. Titre foncier irrégulièrement établi. Lorsque l'hébergé profite du décès de son hôte pour faire immatriculer le terrain de ce dernier au détriment des ses descendants, le titre foncier ainsi établi encourt la sanction prévue à l'article 2 al. 3 du décret n° 76/165 du 27 Avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier.

2. Notion de « manœuvres frauduleuses ». Dans le cadre de l'immatriculation d'un terrain relevant du domaine national occupé ou exploité, les manœuvres du bénéficiaire de l'immatriculation consistant à se faire passer pour l'auteur de la mise en valeur, d'autre part à faire dresser un procès – verbal irrégulier où les ayants droit figurent plutôt comme riverains, constituent des manœuvres frauduleuses au sens de l'article 2 sus–visé justifiant le retrait du titre foncier irrégulièrement établi.

 

AU NOM DU PEUPLE CAMEROUNAIS

 

L'an deux mille

Et le Vingt huit Septembre ;

 

La Chambre Administrativede la Cour Suprême ;

 

Réunie au Palais de Justice à Yaoundé, dans la salle ordinaire des audiences de la Cour ;

 

A rendu en audience publique de vacation, conformément à la loi, le jugement dont la teneur suit :

 

Sur le recours intenté :

 

P A R :

 

La succession NDEFFO MBEWOU représentée par les sieurs DJAKOU Robert et DJOYA s/c DE Monsieur NGOKINUI Jean B.P. 337 BAFOUSSAM, demandeur ; D'une part,

 

C O N T R E :

L'Etat du Cameroun (Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat), défendeur ; D'autre part ;

En présence de Monsieur Pierre-Marie MVIENA, Avocat Général à la Cour Suprême ;

 

- LA COUR -

 

Vu la requête contentieuse de la Succession NDEFO MBEWOU en date du 18 Février 1999 enregistrée le même jour au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême sous le Numéro 221 ;

 

Vu les pièces du dossier ;

 

Vu l'Ordonnance n° 72/6 du 26 Août 1972 portant organisation de la Cour Suprême, modifiée par les lois n° 75/16 du 08 Décembre 1975 et 76/28 du 14 Décembre 1976 ;

 

Vu la loi n° 75 /17 du 08 Décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative ;

 

Vu les décrets n° 98/245 du 1er Octobre 1998, 88/1100 du 18 Août 1988 et 98/332 du 16 Décembre 1998 nommant le Président et les Assesseurs de la Chambre Administrative de la Cour Suprême ;

 

Après avoir entendu en la lecture de son rapport Monsieur Benjamin MUTANGA ITOE, Président de la Chambre Administrative, rapporteur en l'Instance ;

 

Oui, pour la Succession NDEFO, demandeur comparant en la personne de DJAKOU Robert ;

 

Nul pour l'Etat du Cameroun, défendeur, n'ayant pas produit le mémoire et ne s'étant pas fait représenter à l'audience bien que régulièrement convoqué suivant avis du Greffe n° 1761/L/G/CS/CAY du 17 Août 2000 livré le 21 du même mois ainsi qu'en fait foi l'accusé de réception versé au dossier ;

 

Le Ministère Public entendu en ses conclusions,

 

Après en avoir délibéré conformément à la loi avec la participation des Assesseurs ;

 

Par requête datée du 18 Février 1999 reçue et enregistrée au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême le même jour sous le numéro 221, la Succession NDEFO MBEWOU représentée par DJAKOU Robert, a saisi le Président de la Chambre Administrative d'un recours contentieux tendant à l'annulation du titre foncier n° 6611 du Département de la Mifi et de constater que sieur MBOUOBOUO a induit l'Administration en erreur ;

 

Attendu que la Succession recourante expose ce qui suit :

 

« … A l'honneur de vous exposer, Monsieur le Président :

 

Qu'en date du 30 Décembre 1998, elle saisissait Son Excellence Monsieur le Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat d'une requête aux fins de retrait du titre foncier n° 6611 du Département de la Mifi (pièce n°1) ;

 

Que le recours gracieux n'ayant pas eu de suite, la requérante, conformément à la loi n° 75/17 du 08 Décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière Administrative, se devait de saisir le Juge Administratif ;

 

Qu'en effet, sieur MBOUOBOUO, ses frères, ainsi que sa mère avaient été recueillis dans sa maison par son feu père NDEFO MBEWOU ;

 

Que le De cujus avait promis à sieur TAGNE géniteur de sieur MBOUOBOUO et de ses frères de les remettre dès leur majorité ;

 

Que cela ressort des termes sans équivoques de la Convention n° 258 DU 23 Juin 1943 passée par devant le Tribunal de Premier Degré de Bafoussam (pièces) ;

 

Que le 22 Juin 1975 survenait le décès de NDEFO MBEWOU pendant que MBOUOBOUO se trouvait encore dans la concession du Decujus ;

 

Que profitant de ce décès, il monta en toute hâte un dossier d'immatriculation de terrain coutumier, faisant croire qu'il était l'auteur de la mise en valeur de la concession de feu NDEFO MBEWOU et qu'il était son fils ;

 

Que c'est ainsi qu'à l'insu des véritables enfants de feu NDEFO MBEWOU, sieur MBOUOBOUO fit dresser un procès-verbal de bornage truffé de mensonges ;

 

Que non seulement les riverains n'ont jamais été convoqués ainsi que l'exige le Décret n° 76-165 du 27 Avril 1976 notamment dans son article 13 alinéa 3 ;

 

Que plus scandaleux, sieur MBOUOBOUO a fait signer à des inconnus le procès-verbal de bornage tout en portant dans ces actes frauduleux que les sieurs KUITANG Thomas et NJOYA Samuel ne sont autres que les fils du De cujus ;

 

Qu'ils ont été surpris d'apprendre que leurs noms figurent sur le procès-verbal de bornage avec leur signature comme étant riverains alors qu'il s'agit du terrain de leur feu père ;

 

Que dans ce même faux, on peut lire le nom de SOPGUI Jean et devant son nom une signature par ordre sans aucune précision ;

 

Qu'il est opportun de souligner qu'en ce moment, une procédure pénale pour faux et usage de faux est pendante devant les juridictions de Bafoussam contre sieur MBOUOBOUO ;

 

Qu'alors que feu NDEFO MBEWOU a laissé près de treize enfants et trois veuves, sieur MBOUOBOUO, qui n'est qu'un pupille du De cujus, a manifestement trompé la vigilance de l'Administration en se faisant établir un titre foncier sur près de 4 hectares de terrain appartenant à la succession NDEFO MBEWOU ;

 

Que les irrégularités commises au cours de la procédure d'obtention du titre foncier n°6611/MIFI sont de nature à faire retirer de la circulation ledit titre ;

 

Que faute par le Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat de l'avoir fait ainsi que l'exige le décret n° 76/163 DU 27 Avril 1976 dans son article 2 alinéa 3, seul le recours contentieux restait à la requérante ;

 

Qu'entre temps, le Président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam a ordonné l'inscription d'une prénotation judiciaire sur le titre foncier litigieux pour préserver les droits de la Succession ;

 

C'est pourquoi la requérante sollicite qu'il vous plaise Monsieur le Président,

- Constater que sieur MBOUOBOUO a induit l'Administration des domaines en erreur ;

- Annuler par conséquent le titre foncier n° 6611 du Département de la Mifi »;

 

Attendu que le recours contentieux était signifié à la partie défenderesse, à savoir l'Etat du Cameroun (Minuh) le 28 Avril 1999 dans un délai de 30 jours pour déposer son mémoire en défense ;

 

Attendu que faute de répondre à cette misse en demeure un rappel à lui adressé était signifié le 4 Août 1999 est toujours resté sans réponse jusqu'à ce jour ;

 

Attendu qu'il ressort des faits de la cause rapportés par la recourante que Monsieur MBOUOBOUO est bénéficiaire d'un séjour dans la concession objet du Titre Foncier litigieux grâce à l'hospitalité du propriétaire, Monsieur NDEFO MBEWOU ;

 

Attendu que profitant de ce décès, il a orchestré à l'insu des véritables enfants du feu NDEFO MBEWOU, d'abord le bornage en son nom et matérialisé par le procès-verbal et ensuite l'immatriculation dudit immeuble toujours en son nom et concrétisé par le Titre Foncier litigieux n° 6611 du Département de la MIFI ;

 

Attendu que les 13 enfants de feu NDEFO MBEWOU ont été privés de leur immeuble par des manœuvres frauduleuses de sieur MBOUOBOUO qui lui ont permis de tromper la vigilance de l'Administration des Domaines et de faire établir un titre foncier en son nom sur près de 4 hectares de terrain appartenant à la succession NDEFO MBEWOU ;

 

Attendu qu'en faisant établir ledit titre foncier le sieur MBOUOBOUO a, à l'insu des héritiers du feu MBEWOU, fait figurer les noms et signature de ces derniers sur le procès-verbal de bornage comme étant riverains alors qu'il s'agit du terrain de leur feu père ;

 

Attendu que en l'état de faits qui ressort du recours contentieux, le titre foncier litigieux a été obtenu grâce à une irrégularité commise au cours de la procédure d'obtention dudit titre ;

 

Attendu qu'il s'en suit que ledit titre foncier n° 6611 du Département de la MIFI aux termes des dispositions de l'article 2 du Décret n° 76/165 du 27 Avril 1976 fixant les conditions d'obtention du Titre Foncier, encourt l'annulation, ceci d'autant plus que le silence gardé par la partie défenderesse laisse croire qu'elle n'a aucun argument à apporter à ceux avancés par la recourante ;

 

C'est ainsi qu'il faut :

1° – Déclarer le recours recevable et fondé ;

2° – Ordonner le retrait du titre foncier n° 6611 du Département de la MIFI ;

3° - Réserver les dépens à la charge du Trésor Public ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard du demandeur, par défaut à l'égard de l'Etat, à l'unanimité des Membres et en premier ressort ;

 

DECIDE :

 

Article 1 : Le recours introduit par la Succession NDEFO MBEWOU est recevable en la forme ;

Article 2 : Il est fondé ;

Article 3 : Il est par conséquent ordonné le retrait du Titre Foncier n° 6611 du Département de la MIFI.

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